Le lama, le revenu de base et la prison dorée

Nous sommes en pleine nuit, en campagne française. Serge était là, tranquille, mâchouillant quelques brins d’herbe. Il était peinard, personne pour le déranger. Jusqu’à ce que quelques hurluberlus se pointent. Et voilà qu’en à peine une nuit, Serge se retrouve superstar, certes de manière éphémère, du net. Ses comparses kidnappeurs et lui deviennent mondialement connus, et atteignent plus de 700 000 likes en quelques jours. Les internautes mettent des photos de Serge comme image de profil, la toile s’emballe complètement.

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En même temps, se déroule une grande campagne pour permettre à tout un chacun d’avoir un toit et de quoi se nourrir. Cette campagne sur le revenu de base n’a attiré que 300 000 signatures en un an. Pourtant, signer ce texte n’aurait pas pris plus de temps que de regarder ces photos de lamas. Bien que des centaines de volontaires relaient les informations sur la campagne à tort et à travers, la récolte de signatures a du mal à se faire. Pas de buzz sur le net, l’objectif n’est pas atteint.

Je me demande souvent comment on en est arrivé à de pareilles situations. La majeure partie du monde semble ne penser qu’à se divertir. Il est assailli par la télé et des tentations de toutes sortes. L’information mondiale, la politique de son pays, cette majorité s’en moque. On préfère aller regarder un lama qui se promène en ville plutôt que lire trois minutes un texte proposant une amélioration significative de sa qualité de vie. J’ai vraiment du mal à comprendre ce mode de vie et de pensée. Oui, Huxley avait raison : « La dictature parfaite serait une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s’évader. Un système d’esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l’amour de leur servitude… »

Il est vrai que tout est fait pour nous divertir, à tel point que l’on oublie de penser au reste. Vivre dans ce système, c’est vivre dans une prison dorée. Parce que pendant que l’on se divertit, d’autres légifèrent. D’autres font pression sur les gouvernements pour que leur business soit favorisé au détriment des besoins essentiels de la population. Et cette dernière, bien trop occupée à se divertir, ne dit rien, ne fait rien, et laisse la taille de sa cage dorée se rétrécir peu à peu, tout en n’y voyant que du feu.

Notre monde est devenu un amalgame de deux dystopies, conçues à la base pour nous prévenir : 1984 et le Meilleur des mondes. Dans 1984, la population est étroitement surveillée par Big Brother. L’information est continuellement manipulée et modifiée à l’extrême pour s’assurer un contrôle total des citoyens. La langue est raccourcie, dés-enrichie, le libre arbitre n’existe pas. Tout opposant est recadré et subit un lavage de cerveau intense. Dans le Meilleur des mondes, c’est pareil, mais les citoyens sont contrôlés par le divertissement. Eux aussi n’ont aucun libre arbitre, seul l’amusement compte, que ce soit par les drogues, les soirées, le sexe,… Ils n’ont ni les moyens ni le temps de réfléchir.

Oui, notre monde occidental est devenu un mélange de ces deux œuvres. La surveillance totale se met en place, que ce soit par des caméras, le contrôle de l’activité internet, le stockage des enregistrements de nos déplacements (et que nous avons accepté volontairement, bien sagement et sans aucune contrainte, en ayant reçu de ceux qui nous vendent la technologie une impression de « coolitude » du phénomène et une simplification de notre quotidien). Et le divertissement, oui, nous fait oublier notre sens des responsabilités, notre sens civique. Seul va compter le nouveau jeu vidéo, les Secret Story et consorts, ou notre compétition sportive. On se moque que les personnes qui ont fabriqué notre téléphone trop classe ont été privées de salaire simplement parce qu’elles ont eu un besoin pressant. On ferme les yeux sur les assassinats, les expropriations pour assouvir notre soif de football. On se moque que la compagnie qui vient de sortir LE jeu vidéo a tout fait pour passer une loi qui aurait pu nous mettre en prison parce qu’on a osé prêter ce dit-jeu à son copain,…

Je ne dis pas qu’il faille arrêter tout, non, j’apprécie un jeu vidéo, regarder un film,… Mais au point de fermer les yeux sur ce qui se passe aux alentours ? Non, c’est inconcevable. Je ne peux pas soutenir une compagnie qui met en danger la liberté ou la vie d’autrui. Je ne peux pas accepter une compétition sportive bâtie sur le sang. Je préfère valoriser l’éthique, l’humain, et parler de ces problèmes, même si souvent lorsque j’en parle on me rétorque que ce que je fais ne changera rien, ou qu’on se moque gentiment de moi. Mais de temps à autre, j’arrive à toucher quelqu’un. Et c’est pour ça que je continue. Changer ce monde est possible, rien que par des petits gestes, en informant, en changeant ses habitudes. Réveillez-vous, il n’est pas trop tard.

PS: Je vous invite à lire, si ce n’est déjà fait, de lire ces livres : 1984, d’Orwell ainsi que Le Meilleur des Mondes d’Huxley. Et si vraiment la lecture de livres vous donne la nausée, ils existent en film également, et vous pouvez rajouter à ceux-ci V pour Vendetta.

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Image de Merlijn Hoek sous licence CC BY-NC-ND

4 Commentaires

  1. Du pain et des jeux! Mais je ne t’apprend rien avec cette citation ^^

    Oui beaucoup de personne pensent bien plus a s’amuser et non pas à « sauver le monde » même par des petites actions, et avec l’expérience que j’ai avec mes parents, c’est souvent la même phrase qui ressort « j’ai assez travaillé aujourd’hui! » et du coup on met le cerveau en mode off. Je peux pas vraiment trop leurs en vouloir, cela m’est déjà arrivé plusieurs fois de le faire…

    J’ai ressentie la même chose que toi il n’y a pas longtemps, il y avait pénurie de sang et on demandait des vamp… des donneurs de sang, j’en ai fait un peu de pub autour de moi et… personne ne s’en souciait. Puis quelqu’un fait de la pub pour se torcher la tronche (désolé pour l’expression) et là tout le monde a le temps…

    et merci pour l’idée de lecture avec Le meilleurs de mondes 😉

  2. J’ai déjà lu ces livres il y a de nombreuses années.. quand j’étais ado. C’est vrai qu’on s’y rapproche toujours plus…
    … mais finalement… on ne fait que d’aller vers des modèles connus… au lieu de lire ce genre de livres, on fera mieux de lire des livres qui montrent le monde dans lequel on veut aller….
    à quand un livre qui décrit le monde avec un Revenu de Base Inconditionnel ?

  3. Je pense que ça commence. Il y a en effet déjà un journal spécial revenu de base qui va sortir (j’ai vu le crowdfunding passer, mais je ne me rappelle plus de l’adresse). En fait, je pense qu’il faille un peu les deux. Les premiers tels que 1984 et consort, pour montrer les dangers qui nous guettent si l’on ne fait pas assez attention. Le second, pour montrer ce qu’il est possible de faire pour faire une société idéale.

  4. Parmi les bouquins qui montrent un idéal, ceux de Ivan Illich sont pas mal je pense (j’avais lu « Une société sans école » qui m’avait beaucoup inspiré) et ceux de Albert Jacquard bien entendu.

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